Blanchette VII (Evelyn)

Encore un diner qui s'était achevé, entraînant avec lui une journée remplie de cours, de livres, de rêveries. Un repas qui se termine, entraîne également les nombreux élèves de Poudlard vers leur lit ou leur Salle commune. Pourtant, la jeune Serdaigle qui marchait d'un pas régulier comme les battements d'un coeur ne suivait pas ses congénaires à travers les escaliers mouvants de la célèbre école. Non, elle avait plutôt bifurqué dans un couloir, en direction des toilettes des filles.
Il fallait dire qu'après un repas pareil, l'élève avait quelques besoins naturels à satisfaire, et qui plus est, elle avait laissé sa souris prendre un bain dans un des lavabos que contenait la vaste pièce. Oui, Bethany avait décidé de laver Blanchette VII, car cette dernière s'était trainé elle ne savait où et était reparut dans son lit, pleine de poussière et éternuant, tandis qu'elle rangeait ses affaires en attendant l'heure du dernier repas de la journée.
L'enfant avait tout d'abord observé le triste spectacle que lui offrait le rongeur puis, finalement lassée, l'avait prise d'une main ferme et avait été lui préparer un bain, dans un évier, dans les toilettes. Et avec de l'eau froide, bien sûr, mais ça elle n'y pouvait rien.

" Tu n'as pas interêt à t'enfuir, je te retrouve après le diner. "

Avait-elle sermonné, avant de tourner les talons et d'aller prendre son repas comme si de rien n'était, comme si faire prendre un bain glacé à une souris pleine de poussière était la chose la plus naturelle qui se faisait dans le monde de la sorcellerie. Pour cette fillette de douze ans, ça l'était en tout cas, et cette seule chose importait.

La porte des toilettes s'ouvrit sur elle, et la pièce s'étendit devant ses grands yeux noirs inexpressifs. La pièce, ainsi qu'un évier remplit d'eau et une fille à l'air choqué, une grimace déformant sa bouille ronde tandis qu'elle fixait une petite créature qui, le diable au corps, se démenait pour s'extirper de l'eau en poussant de petits cris frénétiques.

" Mais c'est horrible ! "

" Tu as peur des souris ? "

Demanda simplement Bethany, dont les deux trous noirs qu'elle possédait à la place des yeux s'étaient posés sur l'élève de Serdaigle qui se tenait là. Cette dernière fit volte face, mais sa grimace ne tomba pas lorsqu'elle reconnut la fille qui lui avait adressé la parole. Sans lui répondre, elle détourna le regard puis s'en alla en faisant son possible pour éviter Beth' tandis qu'elle passait à côté.

*Tiens, encore une peureuse.*

Pensa-t-elle en haussant les épaules, pas plus perturbée que cela de s'être ainsi faite ignorer. Elle se retourna seulement lorsque l'autre, déjà loin, marmonnait quelque chose qu'il ressemble à "folle !". et glissa ses mains dans ses poches tandis que ses sourcils disparaissaient derrière sa frange de cheveux bruns.

" Alors, tu fais peur aux fillettes, Blanchette ? "

Murmura-t-elle d'une petite voix douce, et oubliant définitivement l'intruse, elle s'approcha du lavabo, plongea la main dans l'eau et retira le bouchon qui retenait le liquide de disparaitre. Le sillon se libéra, amoindrissant le niveau de l'eau, attirant malgré elle Blanchette vers le fond, en direction du gouffre, énorme bouche ronde comme un "o" parfait prête à engloutir la souris comme un ogre ne ferait qu'une bouchée d'un enfant.
Bethany sursauta, ses yeux s'agrandirent, mais....

...Mais il la souris fut sauvée. Blanchette s'était aggripé au fil de métal qui reliait le robinet au bouchon en fer et avait sportivement escaladé sa corde improvisée pour s'enfuir sans demander son reste, le poil écrasé sur le corps et les moustaches encore hérissées de stupeur.

*Mince !*

Et dire qu'elle avait faillit la tuer, sans le faire exprès cette fois ! Encore sous le choc d'avoir manqué de casser son jouet favori, la jeune fille regarda la souris courir, répendant de minuscules gouttes d'eau à peine visibles sur le sol carrelé, filer tout droit, tout droit vers la sortie des toilettes.

*Blanchette VII !*

Miss Thornwell eut un léger sursaut et ses jambes s'activèrent d'elles-mêmes l'entraînant dans une course poursuite à l'issue incertaine. Entre un humain et un rongeur, il y avait une différence de corpulence, et donc d'agilité et de vitesse, et la Blanchette prenait rapidement de la distance, d'autant plus que Beth n'était pas des plus rapides à la course. Non, les couloirs étaient trop glissants pour les semelles de ses chaussures, et puis suivre une souris n'était pas un exercice évident (vous avez qu'à essayer, pour voir !).
Eles avaient traversé la moitié du couloir quand la poursuivie décida de faire un demi-tour sous les jambes de sa maîtresse, qui se retrouva à tourbilloner sur elle même, pour s'apprêter à bondir sur le petit être, quand soudain....

Comme tous les soirs, Evelyn s'était rendu dans la Grande Salle pour prendre son repas et trôner au milieu d'un peuple de Serpent. Son peuple. A chaque repas, Evelyn avait le sentiment d'être quelqu'un d'important. Il avait la place du seigneur et les autres, celle des convives. Il suffisait qu'il hèle des élèves en bout de table pour qu'on lui passe le plat de son choix. A table, les Serpentard prenaient conscience de son importance. Ils ne respectaient. Ils le vénéraient sans doute ! Tel était l'opinion d'Evelyn lorsque son esprit divaguait au-delà des limites de la folie. Quand la brume passait, il savait que, si personne ne bronchait quand il demandait un plat, c'était parce qu'on le craignait ! Oui. On craignait son courroux. Evelyn inspirait la peur ! Evelyn était le mal. Et ceux qui l'ignoraient encore finiraient pas le payer. Un Serpentard plus équilibré – il en existait tout de même – vous dirait simplement que, lassés de le voir piquer des crises de rage qui attiraient l'attention de toutes les autres maisons sur leur table et déclenchaient une salve de rires honteuse pour la maison du grand Salazar, les Verts et argents avaient dû lui accorder cette petite victoire. En lui passant les plats et en lui laissant une chaise en bout de table leur tranquillitée était assurée. Evelyn était la honte de leur maison. Il fallait le cacher à tout prix puisqu'il était interdit de brutaliser ou de

tuer ses camarades. Et les envoyer à St Mangouste ? Ce n'était pas faute d'avoir essayé croyez-moi. Mais un fou de Serpentard ne se laisse pas avoir si facilement hélas. Le rouquin devenait parfaitement lucide dès qu'il sentait que l'on cherchait à le perdre. A croire qu'il le faisait exprès ! Mais non. Evelyn était vraiment désaxé. D'ailleurs, il était toujours persuadé de désamorcer des complots organisés contre lui par le département des mystères, le FBI, et par Dieu lui même ! Oui Dieu ! Si Dieu était l'ennemi de Davy Jones, du Diable, alors Dieu était son ennemi ! Il voulait se débarasser de lui avant qu'il n'ait le temps de provoquer le chaos sur Terre. Mais Evelyn ne se laisserait pas faire. Ah ça non ! Personne ne l'aurait. Il était le plus fort. Il était le plus malin. Ne cherchez pas. Evelyn était le meilleur. Il se le disait tous les matins en admirait son visage cadavérique, pâle et creusé dans un miroir. « Miroir, mon beau miroir, dis moi qui est le plus beau, le plus grand dans ce royaume ? » « C'est vous ô votre sérénissime altesse ». La réponse du miroir ne variait jamais. Et si tout le monde à Poudlard le fuyait et l'ignorait, c'était parce que son rayonnement, sa grandeur étaient tels que les pauvres mortels ne pouvaient le supporter. Oui. Chaque jour, il était là pour leur rappeler leur insignifiance, le ridicule de leur condition. Oui. Le monde était absurde. Dieu était un monstre. Il fallait tout détruire. Tout anéantir. Tout.

Evelyn avait donc passé un dîner royal. Seulement, alors qu'il en était au poulet, un inconnu l'avait contacté par télépathie. Il avait sans doute glissé un ingrédient dans le poulet pour pouvoir lui transmettre des messages... Mais alors... Cela signifiait que ceux qui mangeaient le même poulet que lui pouvaient aussi tout entendre ? Effrayé, il s'était aussitôt écrié « Ce poulet est à Evelyn ! C'est le poulet d'Evelyn ! » et il avait gardé le plat près de lui. Hélas, le mal avait été entamé, un Serpentard de première année qui avait décidé de n'en faire qu'à sa tête avait pris une aile de poulet au passage. Le rouquin c'était aussitôt levé, et il avait agrippé sa gorge avec ses longs doigts froids et noueux en hurlant comme le forcéné qu'il était « IL EST A LUI !!! ». Et... Et un traître lui avait lancé un sortilège pour lui bloquer la langue. Ce n'était pas la première fois. Mais en général on évitait. Sinon Evelyn pouvait faire beaucoup de choses stupides et remarquables, comme monter sur la table et donner des coups de pieds dans tous les plats, ou faire le tour de la Grande Salle en courant et en se tenant la gorge. L'usage des sortilèges, même contre les fous, n'était jamais bien vu par les professeurs. Aussi l'avait-on de suite maîtrisé et renvoyé à sa place avec son aile de poulet. Puis, après une hésitation tendue, on avait décidé de lui décoller la langue. Evelyn n'avait pas crié. Il avait considéré les infâmes d'un oeil mauvais et leur avait sifflé « Evelyn se vengera !! ». Et vexé, car Evelyn était un fou très orgueilleux, il avait quitté la grande salle la tête haute en emportant son plat de poulet.

La mine renfrogné il était monté au premier étage. Puisque tout le monde était méchant avec lui, il allait bouder ! Voilà ! Ça leur apprendrait ! Et il s'était installé dans un coin du couloir avec son poulet dont il s'était amusé à arracher la chair rôtie pour en extraire les os. Et il lançait les bouts de chair devant lui en espérant que ce serait suffisant pour que les monstres invisibles n'essayent pas de le dévorer. Quand ce travail fut terminé, il croqua tous les petits os, se délectant de leur sinistre craquement. Il cassait le reste des os entre ses mains avec un sourire sadique en chantonnant « Ecraser ! Ecraser ! Découper, décortiquer ! » quand soudain... une petite boule de poil blanche déboula sur lui. Première pensée : La chair du poulet s'est régénérée ! Mais tout bien considéré, il s'agissait d'une simple souris, donc à priori, ce n'était ni un démon... ni un poussin. C'était sans doute une ruse ! Ça ne pouvait pas être une souris. Une souris ne chargeait pas les gens comme ça ! Et on lui avait bien annoncé par télépathie qu'un danger le menaçait. Il plaqua sa main sur la pauvre bête avant qu'une fille sortie d'il ne savait où ne l'attrape, puis il se releva lentement, en tenant sa carcasse de poulet comme un ballon de foot et en soulevant devant ses yeux le petit rongeur, pendu par la queue. En plissant les yeux il lui demanda :

- Qui es-tu petite souris ? On t'a envoyé pour attaquer Evelyn c'est ça ? - La petite souris couinait. Il laissa passer quelques iiiik iiik puis il prit un air accusateur - Non ! Ce n'est pas la peine de mentir. Evelyn savait qu'on essayerait de le tuer ce soir !

Et cette fille ? Cette fille qui lui faisait face, qui était-ce donc ? Une ennemie ? Une amie ? Pourquoi était-elle arrivée avec cette souris. Il laissa couler un regard soupçonneux vers elle. Ses yeux s'agrandirent et il lui demanda avec un air étonné assez... désarmant :

- Tu la connais ?

Absorbée par sa course effrénée, le regard fixé sur la petite masse blanche galopant à toute allure sur le sol, Bethany n'avait pas vu l'élève assit par terre, plongé dans son activité qui pouvait faire passer le bain d'une souris comme un fait pour le moins normal.
Dans un nouveau sursaut, elle se figea quand une main noueuse recouvrit le rongeur, l'enveloppant jusqu'à le faire disparaître sous ses doigts. Ses yeux noirs, vaguement brillant à cause de l'adrénaline qu'avait entraîné sa course surprise, se relevèrent sur un élève à la tignasse rousse qui se redressait de toute sa taille, ne lui offrant que ses paupières tandis que ses iris étaient braqués sur le trophée couinant qu'il tenait par le bout de la queue.
Calmement, Bethany reprit une posture plus normale, tandis que l'autre se mettait à parler à Blanchette. Ce qu'il lui demandait éveilla d'ailleurs l'interêt de la jeune élève de Serdaigle. Ainsi, il pensait Blanchette VII envoyée pour le tuer, et il était persuadé qu'un danger le menaçait ce soir. Peut-être qu'au détour de ce couloir, elle n'était pas tombée sur la meilleure fréquentation qui se faisait au sein de Poudlard, mais... Qu'était-elle, pour juger qui était ou non fréquentable ?

*Il doit sûrement rigoler. Ou se moquer.*

Pensa-t-elle posément, sans dire un mot. Non, à nouveau droite comme un "i", Miss Thornwell se contentait d'observer le garçon en face d'elle. Echevelé était le premier synonyme qui lui passa à l'esprit, comme folle était celui qui était passé dans l'esprit de celle qui avait croisé son chemin quelques minutes auparavant. Attendant patiemment l'aboutissement d'une possible mauvaise blague - qui sait de quoi étaient capable comme mauvais coups certains élèves, bien qu'en général, ils se contentaient de l'éviter - elle glissa les mains derrières le dos et attendit que le grand roux lui porte une attention quelconque. Non pas qu'elle comptait faire connaissance avec lui, bien que les particularités de son physique faisaient de lui une apparition peu commune - ses cheveux semblant se donner bataille, sa grande taille accentué par une maigreur un peu inquiétante - éveillaient l'interêt de la Serdaigle, mais celui-là tenait Sa souris, et Beth' comptait bien la récupérer. Elle n'avait pas courut comme un gros chat malhabile derrière son jouet pour se le voir voler !
Et enfin, elle finit par avoir son attention, matérialisé en un regard qui glissa jusqu'à elle avec une fluidité surprenante, accompagné de l'ombre épais du soupçon. Un regard qu'elle pourrait dire bien connaître de la part de ses camarades, sauf que celui-là eut la différence de la surprendre. Face à un tel regard, quelqu'un d'autre que Beth' aurait peut-être même, ou plutôt "aurait sûrement reculé". Mais pas Bethany. Non, entrelaça seulement un peu plus fortement ses doigts derrière son dos, sans pouvoir se remémorer quel genre de regard que l'on lui avait déjà lancé pouvait être similaire à celui-ci.
Et la conclusion fut la suivante : aucun. C'était assez déroutant. Mais ce qui l'était plus encore, c'était la question qui s'ensuivit. La jeune fille inclina faiblement la tête sur le côté tandis qu'une lueur intriguée naissait dans ses yeux noirs habituellement impassibles. Elle eut un moment d'hésitation, puis finalement, poussa un petit soupir qui se répercuta faiblement dans le couloir vide hormis les trois êtres.

" C'est ma souris que tu tiens. Elle s'est enfuit en prenant son bain. "

Dit-elle sur un ton badin, d'une voix aïgu qui sonnait douce aux oreilles, mais étrange lorsque l'on voyait de quelle bouche elle sortait. Car non, malgré la situation et le fait qu'un instant auparavant elle courait de façon ridicule derrière une certaine Blanchette VII, Bethany n'avait en rien perdu la distance qui se lisait continuellement sur son visage. Une distance qui, malgré tout, ne semblait pas dirigé sur son interlocuteur, compte tenu du regard qu'elle avait rivé sur lui et qui ne le lâchait désormais plus.

" C'est Blanchette VII. Et je ne pense pas qu'elle puisse te tuer. "

Continua-t-elle après une pause sur le ton de la constatation. Elle plissa légèrement les yeux, puis attendit une réaction, non sans jeter un regard en biais à la carcasse de poulet.
Une carcasse de poulet... Interessant, que faisait-elle donc là ? Beth' plissa légèrement les yeux, libérant ses sourcils froncés de sous sa frange épaisse, tandis que son regard continuait de s'abaisser pour tomber sur...
Les morceaux de la carcasse de poulet. La chair cuite gisait là, en morceaux éparpillés sur le sol qui s'imprégnaient déjà de la poussière que contenait le château. Mais pourquoi tenait-il donc un poulet entier dans la main ? Ah non, en réalité il manquait une aile...
Enfin, c'était tout de même surprenant. Il ne lui serait jamais venu à l'idée de voler un poulet en guise de victuaille post diner dans la grande salle, quant à elle. Ce garçon était tout de même un peu inquétant ! Mais cela, au lieu de la faire paniquer, éveillait plutôt sa curiosité vis-à-vis de lui, comme le scientifique se voyait curieux face à un phénonème qui ne se voyait pas encore d'explication rationelle.

On a toujours besoin d'un plus petit que soi était la morale d'une fable de Lafontaine. Le lion et le rat pour les incultes. Autrement dit, il ne faut jamais négliger les petits, les êtres qui, au premier abord, vous semblent insignifiants. Les méchants le savaient bien. Oui ! Les méchants ! Ceux qui voulaient supprimer Evelyn ! Se débarrasser de quelqu'un était un art où toutes les roueries étaient permises, et plus encore lorsque ce quelqu'un s'appelait Evelyn. Le jeune fou n'était pas peu fier de relever toutes les habiles manoeuvres que l'on destinait à sa capture. Elles étaient à la hauteur de son intelligence. Personne ne l'aurait avec un bout de fromage lui ! Trop de rongeurs périssaient pour qu'il ne se méfiât pas de cette denrée. Evelyn refusait toujours les fromages qu'on lui présentait. Pire, il voyait dans un simple « Tu veux du fromage ? » une déclaration de guerre. Un jour, on l'avait vu hurler « A l'assassin ! » dans la Grande Salle quand une fille lui avait aimablement proposé du gruyère rapé pour accompagner ses pâtes et, depuis, tout ce qui se rapportait au fromage devenait tabou lorsque le rouquin était dans les parages. Il ne manquerait plus qu'il soit fait comme un rat ! Mais laissons les rats à leurs guillotines fromagères et revenons à nos trublions, à savoir, Evelyn et... La Souris ! Ou devrait-ce dire le leurre ? Une souris était par définition un animal inoffensif, craintif et mignon – sauf pour les femmes en robes longues qui hurlent sautant sur des bancs de velours dans des châteaux des « Ah ! Une souris ! » et l'homme virile d'accourir héroïquement un balais à la main pour battre l'air et les dalles à l'aveuglette en assommant sa belle au passage. Qui veut tuer son chien dit qu'il a la rage et qui veut se débarrasser d'un ennemi pare son spadassin d'un voile de vertu. Un rat n'aurait probablement pas suscité tant de soupçon. Mais une souris... Une souris, blanche qui plus est, courant vers lui à toute allure, ne pouvait être une coïncidence. Evelyn avait ramassé une souris. C'était louche !

Et cette fille, pouvait-on lui faire confiance ? Elle semblait essoufflée, comme si elle venait de courir un marathon... Pourquoi ? Faisait-elle la course avec la souris dans le cadre d'un tournois inter-espèce organisé dans les couloirs ? Avait-elle essayé de le sauver ? Non, elle n'avait pas l'air très informée de la situation. Elle attendait patiemment, comme si rien ne devait se passer. Ce n'était pas normal. Quand la Serdaigle lui dit qu'il s'agissait de Sa souris, les yeux d'Evelyn se plissèrent légèrement, mais, quand il entendit parler d'une certaine Blanchette VII qui s'était enfuie pendant son bain, ses pupilles vitreuses se dilatèrent. Mais alors... C'était une reine ! Une reine-souris ? Et pourquoi pas ! Il y avait bien des princes grenouille. Sans s'étonner davantage, sans chercher une explication plus rationnelle – celle ci entrant parfaitement dans sa normalité – le Serpentard interrogea la demoiselle avec intérêt :

- Tu es sa domestique ? C'est une reine ? - Il se tourna ensuite vers la souris et, la secouant brutalement : - Sur quel Royaume règnes-tu, parles ! Evelyn veut savoir !

La petit souris émit une série de couinements, mais elle n'avoua rien. En tout cas, il ne pouvait saisir le sens de ses propos. Comment pourrait-il connaître la langue d'un pays dont il ignorait le nom ? Heureusement, l'animal avait une interprète avec elle. Celle-ci lui avait même affirmer que Blanchette VII ne pouvait pas le tuer. La reine lui avait sans doute demandé de transmettre le message pour qu'il la relachât. Mais Evelyn se méfiait. Les pires malfrats étaient prêt à dire n'importe quoi pour obtenir la liberté. Et, une fois la porte ouverte, ces ignobles individus n'hésitaient pas à vous sauter à la gorge ! Il n'était pas question d'aquiter ce rongeur suspect sur les paroles d'une illustre inconnue. Une inconnue qui était peut être mêlée au complot. Pouvait-il valider son innocence. Assurément non. Mais Evelyn décida de lui laisser croire qu'il ne se méfiait pas d'elle. Si elle entrait dans le cercle des perfides, elle se trahirait plus facilement. Avec un sérieux déstabilisant, le rouquin exprima ses soupçons :

- Ce n'est pas parce qu'elle a l'aspect d'une souris qu'elle n'est pas dangereuse. Evelyn sait ces choses là. L'Ennemi est prêt à tout pour le vaincre. Ce n'est peut-être pas une vraie souris. Rien ne le prouve. - Il écarquilla ses yeux verts et il ajouta plus fort, comme s'il avait eu une révélation soudaine. - Ça pourrait être une souris modifiée dans un laboratoire ! Dans le monde moldu les expériences se font toujours sur des souris blanches ! Ou bien... Elle a raison. - Ses sourcils se froncèrent. - Elle ne ment pas quand elle prétend être Blanchette VII mais Evelyn ne connait pas de Blanchette VII et si elle s'est enfuie alors c'est mal. Peut-être cherche-t-elle à fuir la vindicte populaire. Même si elle ne veut rien de mal à Evelyn, il faut la punir !

Une lueur sadique perça son regard de jade. Un sourire carnassier découvrit ses dents. La souris avaient à présent deux accusations contre elle et rien qui ne pût prouver son innocence. Donc, en toute justice, il fallait l'exécuter ! Les lèvres toujours étirées, il darda la langue avec un délice effrayant mais... mais... L'inconnue fixait sa carcasse de poulet et la viande qu'il avait éparpillé autour de lui. Et si la souris n'était qu'un élément de diversion destiné à le voler. Alerté, Evelyn s'emporta :

- Pourquoi regardes-tu ce poulet ? Il n'est pas à toi ! Et ne touche pas à la viande qui est par terre. On l'a empoisonnée !

Bien sûr, il mentait. Il le savait. La viande n'était pas empoisonnée. Mais, il fallait absolument dissuader la jeune fille de la manger. Elle risquait d'obtenir des informations confidentielles.

Intriguée, était-elle ! Oui, mais elle passa de cette pointe de curiosité à l'étonnement lorsque le drôle de Serpentard commença à interroger notre jeune protagoniste à propos de la souris. Blanchette, une reine ? Elle, sa servante ?! Mais pour qui se prenait-il donc, à insinuer qu'elle était inférieure à un satané rongeur ! Une pointe d'agacement noircit l'expression de son visage, mais, par méfiance - et le self contrôle qui la caractérisait - Bethany ne laissa pas transparaître ouvertement son désaccord.
A présent, Blanchette se faisait secouer comme une malpropre mais Bethany ne fit rien pour la sauver. Bien fait, elle n'avait qu'à pas s'enfuir, c'était de sa faute si on venait de la traiter de servante. Et par son immobilité, Beth' prouvait qu'elle n'avait aucun devoir envers un rongeur, logique.

" Le royaume de ma chambre. "

Lança-t-elle tout de même, à tout hasard et sans vraiment réfléchir. Peut-être que, si elle l'avait fait, elle aurait comprit qu'il y avait des chances que son étrange interlocuteur la prenne au premier degré ! Mais non, autant Bethany pouvait-être perspicace qu'elle pouvait-être un peu lente, quand elle n'était pas décidée à réfléchir. Et d'ailleurs, excusez-là, mais est-ce qu'un type qui tient un poulet plein de graisses dans la main est-il motivant pour réfléchir ? Non. Et ne dites pas l'inverse !
Puis, très sagement, Bethany fit remarquer au roux efflanqué que sa souris ne risquait pas de le tuer. Le regard qui lui renvoya manqua de la faire reculer, mais, stoïque, elle s'en empêcha. Ca n'était pas parce qu'il était particulier qu'elle allait avoir peur, tout de même. Mais finalement, il s'agissait apparemment de son regard habituel, puisque lorsqu'il prit la parole, ce fut d'une voix parfaitement posée. Enfin posée, pour une personne qui menaçait une souris d'être souveraine, en tout cas !
Avouez, le discours pouvait être pertinant, si l'on se plaçait d'un certain point de vue. Un petit sourire naquit faiblement au coin des lèvres de la Serdaigle, mais disparut bien vite, ne laissant que le spectre de ce qu'il aurait put être, soit un petit tresaillement qui haussa ses pomettes.

" Oui, mais je... "

~~...la torture depuis assez longtemps pour assurer que cette souris n'a rien d'extraordinaire.~~ La miss Thornwell n'eut guère le temps de terminer sa phrase, que le Serpentard la coupa, parti dans ses hypotèses pour le moins farfelues. Une souris de laboratoire ? Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Et la punir ? Comment, en la secouant comme une cloche ? Non, les yeux de Bethany s'agrandirent lorsqu'il ouvrit grand la bouche. Non mais, qu'est-ce qu'il allait faire, là ?!
Son regard se posa sur Blanchette, sentant le danger plâner sur elle, puis se posa sur le poulet qui attira malgré la situation critique (pour Blanchette) son attention.

Et là, Bethany eu comme une révélation. Le garçon n'avait peut-être pas toute sa tête. Serait-il sage de l'empêcher de "punir" sa souris, de ce fait ? Non, mais d'un côté, Bethany se voyait mal envoyer une nouvelle missive à son père quémandant quelque menue monnaie parce que le rouquin avait fait du mal à la Blanchette déjà septième du nom. Riant intérieurement, elle s'imaginait qu'il serait bien ironique que son père se décide enfin à la punir pour quelque chose alors qu'elle n'aurait, pour une fois, pas été directement responsable de la situation.
Le regard toujours rivé sur le poulet, la jeune demoiselle eut un sursaut lorsque l'autre s'adressa à elle. Poulet ? Ah, oui, le poulet qu'il tenait dans la main, Beth' l'en aurait presque oublié, tiens. Elle releva son regard d'onyx sur le garçon et recula d'un pas, s'éloignant ainsi des morceaux par terre et par la même occasion du regard meurtrier qu'on lui adressait. Il ne faudrait pas non plus qu'il lui jette le mauvais oeil, à l'observer ainsi.

" Comment ça, on l'a empoisonné ? "

Osa-t-elle, cachant habilement derrière un interêt feint son scepticisme. Oui, car voyez-vous, même sans réfléchir, Bethany avait comprit que quelque chose clochait. Qui donc a Poudlard était assez doué en potions pour créer un Poison ? Et qui, dans ce nombre si réduit, voyait un interêt quelconque à empoisonner un banal poulet ? Peut-être le garçon n'avait tout simplement pas envie qu'elle y touche, aussi se garda-t-elle bien de reposer une nouvelle fois les yeux sur la pitoyable carcasse qui pendait sous sa main.

" Et de quel ennemi parles-tu ? Ils ne concernent pas ma souris, de toute façon, tu peux me la rendre. "

C'était étrange, mais Bethany avait l'impression que cet argument ne convaincrait pas son interlocuteur, restait à voir ce qu'il adviendrait de Blanchette !

Confronté à Evelyn, les gens avaient trois types de réaction possible. Ceux qui ne pouvaient pas souffrir la présence d'un fou aux pensées malsaines se dérobaient dès qu'ils le pouvaient, les plus intimidés ne pipaient mot et faisaient tout leur possible pour satisfaire l'effrayant Serpentard afin d'être épargnés, et les plus mesquins se moquaient allègrement de lui, du moins, jusqu'à ce que, pris qu'une crise de démence, il se jette sur eux et tente de les étrangler avec ses doigts noueux. D'aussi loin que remonte ses souvenirs, et ceux-ci pouvaient varier en fonction de son état d'esprit, le rouquin ne s'était jamais rencontré une personne dont le comportement approchait celui de la Serdaigle. Raison de plus pour s'en méfier ! Oui. Elle était suspecte cette fille ! Toute son attitude semblait calculée. Elle ne pleurait pas, elle ne souriait pas, son expression et sa voix restaient égales malgré ses menaces. Et, même lorsqu'il déclara qu'il fallait punir Blanchette VII, elle n'eut pas l'air touchée. Qu'est ce que cela signifiait ? Une foule de question se pressait dans l'esprit perturbé du jeune garçon. Etait-elle servante ou partisane du Mal ? De ce Dieu qui règnait sur les cieux et qui méprisait les terriens, la Nature, le Royaume de son Père. Une domestique n'était-elle pas attachée à son maître. Oui, en théorie. Certain trouvaient leur bonheur dans l'assujettissement le plus total et, sans l'absence d'une force supérieure, ils étaient perdus. Mais d'autres exerçaient ce métier parce que le choix ne leur avait pas été laissé. Il arrivait qu'un domestique haïsse son maître au point de guetter le bon moment pour s'en débarrasser. C'était peut-être le cas de cette jeune fille qui attendait sans vraiment protester.

Une seule phrase avait été prononcée. Elle avait évoqué un Royaume inconnu : le Royaume de Machembr. Drôle de nom. Où se situait-il ? Quelque par dans un souterrain ? Ou dans un univers parallèle peut-être. Ce n'était pas impossible ! Avant même de connaître la magie, Evelyn donnait crédit à toutes les choses les plus invraisemblables. Plus elles étaient curieuses, plus il avait envie d'y croire. Il aurait bien demandé à la jeune fille plus d'informations sur ce territoire mais, il fallait traiter des affaires plus graves. La souris et sa domestique étaient-elles dangereuses ? Il n'y avait qu'une façon de le vérifier... L'exécution ! De toute manière, il ne pouvait pas relâcher le rongueur maintenant qu'il le tenait. Ce serait prendre un risque beaucoup trop grand ! Oui mais... Si sa compagne ne disait rien, peut-être espérait-elle justement qu'il le fasse. S'il écrasait ce pauvre animal, rien ne lui disait qu'il n'allait pas exploser. Et ce n'était peut-être même pas une vraie souris. Et s'il y avait un mécanisme là dedans ? Et si on l'avait bourré d'hormones toxiques ! Par les temps qui courent, il fallait faire attention avec ces choses là ! Sans parler des créatures protéiformes. Où était donc passé le terrible Maldoror ? Il observait le rongeur avec une incroyable concentration. La petite pelote de poil couinait, essayait de se redresser pour percer la chair de ses doigts. Si elle y arrivait, Will Wimble sait ce qui adviendrait de lui ! Et quel choix plus perfide que celui d'une souris blanche lorsque votre mère règne sur les rats, ces robustes rongeurs que rien n'arrêtait. L'insulte était de taille. Mais il avait tout compris ! Ils ne l'auraient pas !

Il avait éloigné le Mal avec le poulet. Enfin... Ne devrait-il pas dire, le bien ? Puisque le Mal était tout ce que Dieu n'approuvait pas. Il était le fils du Mal. Ils l'étaient tous. Le Bien n'existait que pour un être suprême. Et croyez le, cet égoïste le gardait pour lui. Juger selon un idéal arbitraire était le propre d'un dictateur. Mais lui, il connaissait la vérité ! Il ne devait pas embrigader les autres. Oui ! On le craignait là-haut ! Et qu'ils tremblent parce que non.. Non et non ! Ils ne l'auraient pas ! « Contre tout le monde je me défendrai ! Je ne capitule pas ! » disait un certain Beranger. Et il avait raison ! Evelyn se souvenait bien de ces mots, cette histoire de dernier Homme sur terre, de gens qui prenaient l'apparence de rhinocéros, comme Dieu l'avait fait un jour dans une autre histoire. Ou peut-être était-ce la même ? Evelyn mélangeait tout. Il ne retenait ni les titres ni les auteurs. Il donnait crédit aux histoires les plus farfelues, et interprétait tout à sa façon... Comme la jeune fille s'était intéressée à son poulet, il avait inventé un mensonge. Mais voilà qu'à présent elle cherchait à obtenir des informations plus précises. Cette histoire ne la regardait pas enfin ! Il lui lança un regard torve. Mais il n'eut guère le temps de répliquer puisqu'elle lui demanda ensuite de définir Son ennemi et de lui rendre Sa souris. La lui rendre ? Ah ça non ! Trop risqué ! Cependant, si elle prenait le risque de lui demander l'animal, c'était probablement parce que le plan ne se passait pas comme prévu, et qu'elle espérait empêcher l'exécution de la bête. D'une voix doucereuse, presque confidentielle, il dit en plissant les yeux, et en jetant à chaque interruption des regards autour de lui...

- Evelyn ne peut rien dire. Tu ne comprendrais pas. C'est une affaire entre Dieu et lui. Mais il ne pourra pas se débarrasser d'Evelyn. Evelyn est trop malin. Il connait ses ruses. Et toi... Tu es de son côté ? Il t'as payée ? Quelle est ta mission ? Evelyn ne peut pas te rendre cette souris. Rien ne lui dit que ce n'est pas une ennemie et que tu ne cherches pas à la protéger. Il n'y a qu'un moyen de la savoir. Si la salive d'Evelyn ne la brûle pas, alors Evelyn dira qu'elle est innocente.

Il éleva la souris, suspendue par sa queue, renversa sa tête en arrière et il la fit descendre doucement dans sa bouche. Elle fut engloutie jusqu'à la naissance de la queue, qui s'agitait autour de ses lèvres comme un petit verre de terre. Son expression, concentrée au début, se décomposa lentement. L'animal piégé, plantait ses petites griffes dans sa langue. Elle l'attaquait ! Cette réaction inattendue, effraya le Serpentard qui, douloureusement surpris, serra sa mâchoire au moment où le petit dément passait sous la guillotine d'ivoir. On entendit un ultime couinement et le rouquin resta figé, les yeux grand ouverts, tandis qu'un sang chaud suintait de ses lèvres diaphanes. De lourdes secondes s'écoulèrent et... soudain, Evelyn, pris d'une violente nausée, se laissa tomber par terre en libérant un flot se sang et une petite boule d'un rouge si humide qu'on aurait pû la prendre pour un organe. Alors, sans raison, le garçon se mit à hurler en frappant le sol puis, il attrapa d'une main la boule pourprée et il se releva pour la tendra à la Serdaigle.

- Evelyn te la rend. Elle n'a pas brûlé, mais elle est vilaine. Elle a essayé de lacérer Evelyn te l'intérieur !

Il n'avait vraisemblablement pas conscience de la mort de l'animal. Son visage et ses mains maculés de sang lui donnait vraiment un aspect effrayant. Il n'essaya pas cependant de s'essuyer. Et nul doute qu'il était capable de se présenter à son prochain cours dans cet état. Et ce ne serait pas la première fois qu'on le refuserait en cours pour « tenue indécente ».

Poser des questions à un être aussi surréaliste n'était peut-être pas la meilleure façon de s'en sortir sans ennuis. Bien que malgré son expression de visage qui, le constatait en ce moment Bethany, avait quelque chose pour faire froid dans le dos - bien qu'elle se disait cela sans ressentir le moindre frisson - il ne semblait pas lui vouloir du mal personellement. Non, c'était plutôt Blanchette qui aurait à craindre pour sa santé physique. Mais comment expliquer qu'une souris était un animal tout à fait innoffensif à un garçon qui parlait de poulet empoisonné, comme s'il craignait qu'elle se jette sur les morceaux étalés sur le sol afin de les manger ? Ne souriez pas ainsi je vous vois, à la place de Bethany vous aurez déjà fuit en courant, pauvres lâches ! A présent, Evelyn s'adressait à elle sur le ton du secret. Non, elle ne pouvait pas comprendre, cela au moins elle l'avait saisit depuis un petit moment. A moins d'être une de ses neurones, où un hôte soigneusement caché quelque part dans son cerveau, Bethany ne se sentait pas la capacité de suivre le cheminement des pensées du garçon. La seule chose certaine était qu'il la soupçonnait d'être... D'être quoi exactement ? Quelqu'un qui lui voulait du mal, envoyé par Dieu - et qui était ce Dieu, mystère ! C'était un drôle de prénom, d'ailleurs. Clignant des yeux, la jeune fille sembla prise pour la première fois au dépourvu lorsqu'il lui demanda si le dénommé Dieu l'avait acheté. Et quant à sa mission... Et bien, pour le moment, cela semblait être de convaincre le jeune obstiné que ni elle, ni la souris ne mettaient sa vie en danger. Elle n'y mettait pas certes tout son coeur, mais là encore, allez le convaincre sans perdre son calme de ce fait ! Il fallait dire aussi que le Serpentard éveillait sa curiosité. Une personne normalement constituée aurait sûrement désiré fuir les lieux au plus vite, souris récupérée ou non, mais Bethany, elle, penchait entre deux envies. Celle de récupérer sa souris et de s'en aller retrouver la sécurité - précaire, car Evelyn n'était pas le seul Serpentard de l'école - des couloirs, et celle d'en savoir un peu plus sur "l'Ennemi de Dieu". C'était vrai, il ne devait pas avoir beaucoup d'amis ce pauvre individu, sûrement cela expliquait en partie sa paranoïa exacerbée ! Bon, Bethany n'en avait pas beaucoup, non plus, et elle ne s'était pas entiché d'une carcasse de poulet pour autant, mais il y avait des esprits plus fragiles que d'autres !
Mais voilà que le Serpentard disait connaître un moyen de prouver l'innocence du rongueur. Fort bien, ainsi pourrait-il, l'espérait-elle, lui rendre Blanchette VII ! Mais alors que cette pensée se formait dans son esprit, l'autre parlait de salive qui brûlerait la souris si elle était coupable. Qu'allait-il donc faire, lui cracher dessus ? Pas question ! Bethany venait de lui nettoyer son pelage, et puis, elle n'avait aucune envie qu'il lui rende une souris dégoulinante de crachat !

" Non ! C'est... "

Avait-elle commencé, en s'avançant d'un pas et en tentant de rattraper la souris, mais le grand efflanqué avait déjà basculé la tête et avait engouffré la souris dans sa bouche, stoppant net la jeune Thornwell dans son mouvement. Une exclamation de stupeur s'étouffa dans sa gorge et, cette fois, son visage passa de la sereinité au dégoût. Tel un vers de terre affolé, la queue de la souris fouettait l'air à toute vitesse.

" Arrêtes, c'est dégoûtant ! "

S'exclama t-elle tandis que son expression tanguait entre la peur et la colère et que celle d'Evelyn, quant à elle, passait de la concentration à la surprise, puis à la peur et à la douleur. Nul n'était besoin d'imaginer pour savoir ce qui l'avait fait réagir, et, aussi, contracter les mâchoires. Contracter les mâchoires ! Bethany n'eut guère le temps de se détourner, que déjà l'affreux spectacle lui sautait aux yeux. Un couinement déchirant puis, plus rien. Le sang dévorait la blancheur de la peau du garçon, tapissant son menton d'une couleur rouge vif. Cette fois, Bethany recula bel et bien, si bien d'ailleurs qu'elle se heurta contre le mur du couloir. Il l'avait tué ! Bien sûr, Bethany le battait en question de meurtre de souris, mais jamais elle n'avait commit un geste aussi répugnant, aussi sale que celui que venait de faire le garçon. Mettre cette petite horreur à pattes griffues dans sa bouche !Evelyn aussi, se mit à regretter : il s'écroula par terre en recrachant un flot de sang, sous les yeux médusés de la jeune fille, qui atteind le comble de l'horreur en voyant l'objet flasque et rougeâtre tomber dans un "ploc" inaudible et qui sembla pourtant atteindre ses tympans avec autant de clarté que le hurlement soudain de l'aliéné. Et puis, comme s'il ne s'était jamais mit à frapper du poing sur le sol, il se redressa en attrapant le misérable reste de souris, qu'il tendit à la jeune Miss sans qu'elle ne puisse s'éloigner davantage - elle avait déjà atteind le mur.
- Evelyn te la rend. Elle n'a pas brûlé, mais elle est vilaine. Elle a essayé de lacérer Evelyn de l'intérieur !

Comment voudriez vous réagir à cela ? Même Bethany, aussi impassible était-elle habituellement, était à court de mots. La bouche entrouverte, elle hésitait aussi bien à poser son regard sur le petit corps inanimé que sur le visage aspergé de sang du Serpentard. Une lourde seconde, elle demeura muette, se collant un peu plus le dos au mur de peur que le sang ne goutte sur ses chaussures ou sur sa robe. Puis enfin, elle s'anima, giflant d'un revers la main qui tenait le cadavre afin de faire voltiger loin d'elle ce dernier, puis glissa un pas de côté pour mettre un peu de distance entre le visage dégoulinant et elle.

" Tu l'as tué ! En plus, elle aurait put t'arracher la langue ! "

Bethany ne savait pas si c'était plus le fait que la souris soit morte ou que le garçon aurait put se faire sérieusement mal qui la chamboulait autant. Peut-être finalement, que c'était surtout le fait que les dents de ce dernier avaient broyé le rongeur. Ajouté au fait qu'elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer une langue lacérée par des griffes de souris, elle se sentait nauséeuse. Se frottant les bras tout en poussant un gros soupir afin de recouvrer son calme, Bethany se détourna de moitié, ses yeux noirs grands ouverts, lui donnant un air effarouché.

" Il y a les toilettes, vas examiner ta langue. "

Et se laver de tout son sang, mais il ne semblait pas dérangé par ce dernier et Bethany se garda d'en rajouter. Son regard se posa sur l'ex Blanchette VII et une légère grimaça déforma sa bouche. Elle se serait volontier épargné d'y toucher, mais le fait de prendre sa baguette devant Evelyn lui semblait mal avisé, à présent. D'un pas lent, elle s'approcha alors et attrapa du bout des doigts le corps mou avant de prendre la direction des toilettes, qu'elle avait quitté un instant auparavant. Cette fois, un bain était inutile : ce serait directement la cuvette des toilettes.

Le sang glissait le long de sa mâchoire blafarde, se répandait sur le col blanc de sa chemise et fonçait sa cravate qui était toujours nouée grossièrement, de façon rudimentaire puisqu’il ne savait pas faire autrement et prenait les rares tentatives d’explications pour des tentatives de strangulation. La paranoïa excessive d’Evelyn pouvait décourager philanthropes les plus convaincus. Il est des fous qui ne s’approchent pas, que l’on se doit d’ignorer, dans son propre intérêt. La Serdaigle s’y était frotté et, comme les autres, elle devait le regretter. Et, pourtant, elle avait de la chance. Les inquiétudes du rouquin s’étaient tournées vers une pauvre souris, il n’avait pas essayé d’attenter à sa vie. Evelyn aimait prononcer des discours de mauvais augure et maudire la destinée de ses nombreux ennemis. S’il n’était encore pas passé à l’acte c’était sans doute parce qu’un fil de raison retenait sa folle sauvagerie. La menace du renvoi planait au-dessus de sa tête et, même dans ses plus grands moments d’oubli, il n’en oubliait pas son objectif premier. Il devait finir ses études à Poudlard pour pratiquer la nécromancie avancée et créer des inferi. Personne ne devait soupçonner ses intentions. Ses objectifs ne concernaient pas les mortels et, s’il tuait quelqu’un, son dossier serait ouvert, et qui sait ce qu’ILS y trouveraient ? Sa vie n’était pas à mettre sous tous les yeux, et les espions de Dieu étaient partout. Le Serpentard évoluait en terrain ennemi et ils guettaient le faux pas… Personne n serait tué tant qu’il étudierait, et ensuite… Ensuite, il aurait tout le loisir de se venger, et de jouer avec les cadavres immondes de tous ces traîtres !

Mais alors, que venait-il de faire ? N’était-il pas coupable ? Criminel ? La malheureuse souris gisait dans une flaque de sang, et sa propriétaire, sa complice ou sa servante, s’était prostrée contre un mur, horrifiée. Que devait-il comprendre ? La mission avait échouée. Blanchette VII avait été éliminée et ses supérieurs le lui feraient payer cher. Ils ne riaient pas là haut ! Pas du tout. Les mauvais éléments se faisaient jeter comme des pots de yahourt vides – pardonnez cette comparaison douteuse, je suis bien obligée de m’adapter à la pensée déstructurée de ce personnage -, comme son père qui avait été honteusement banni. Mais lui, il reviendrait accomplir Sa vengeance, et Ils ne l’arrêteraient pas, Will Wimble veillait sur lui. La souris était-elle réellement dangereuse ? Cette affaire était décidément bien difficile à démêler. L’animal n’avait pas brûlé au contact de sa salive, qui pouvait pourtant dissoudre toutes les créatures d’origine divine. Si la théorie était exacte, elle ne pactisait pas avec l’ennemi. Cependant, elle l’avait attaquée ! A peine l’avait-il mise dans sa bouche qu’elle avait commencé à s’acharner sur sa langue ! S’il l’avait laissée un peu plus longtemps, elle aurait pu s’engouffrer au fond de sa gorge et lui sectionner la trachée ! Remercions Will Wimble, il était sauf, son démon gardien avait provoqué la rencontre de ses dents. Le monstre avait payé sa trahison. Un rongeur pur et innocent aurait attendu paisiblement le jugement. La souris s’était débattue, elle avait donc forcément quelque chose à se reprocher et à lui cacher. Et la Serdaigle, était-elle liée à cette sombre machination ? Elle avait essayé d’empêcher l’exécution et, à présent, elle semblait terrifiée. Avait-elle peur de lui ? Cette pensée lui était plaisante. Si elle le craignait, il ne risquait rien. Et, après tout, elle avait peut-être été dupée elle aussi, on lui avait peut-être confié la reine du royaume de Machambr sans lui expliquer qu’il s’agissait d’une imposture.

Sa crise de démence passée, Evelyn décida donc de rentre l’animal à sa propriétaire. Si elle y tenait, elle serait heureuse de la retrouver, songeait-il naïvement. Hors d’état de nuire ne signifiait pas nécessairement, hors d’état de vivre et, avec ce qu’elle venait de subir, Blanchette VII n’oserait plus l’attaquer. Sa supériorité l’avait vaincue, on ne l’y reprendrait plus. Tout ceci était tellement évident pour Evelyn qu’il ouvrit de grands yeux choqués lorsque la jeune fille s’exclama qu’il l’avait tuée. Elle n’avait pas l’air particulièrement affectée mais il percevait comme la teinte d’un reproche derrière son effroi. N’avait-elle rien compris ou s’agissait-il d’une comédienne particulièrement douée ? La voilà qui déclarait qu’elle aurait pu lui voler sa langue. Il fronça les sourcils. Le faisait-elle exprès ou s’inquiétait-elle réellement ? Luttant contre l’engourdissement douloureux de sa langue, il articula péniblement :

- Vi, elle a effayé ! Et elle ’a refu que le sâtiment qu’elle ‘éritait. Evely’ azait raifon, fette fouris é’ait ‘ien ‘ou’ab’e !

Cette réplique achevait de convaincre les plus sceptiques. Evelyn avait désormais l’articulation d’un débile profond, et il ne s’en rendait visiblement pas compte. De minces filets de sang brillaient au coin de ses lèvres, le goût métallique du liquide vermeil ne l’écœurait pas. Le fait qu’il se retrouvât avec du sang de souris dans la bouche était une fatalité qu’il acceptait. Il finit cependant par passer la manche de sa chemise sur son menton pour s’essuyer. Le liquide pourpre commençait à le démanger. L’idée de se rendre aux toilettes n’était pas mauvaise mais, évidemment, Evelyn ne l’envisageait pas comme une personne normalement constituée. On lui conseillait d’examiner sa langue… Y avait-il un danger ? La souris aurait-elle pu lui injecter un poison mortel ? Le serpentard devint livide. Il porta ses mains à son cou. Oui ! Il étouffait ! Il allait mourir ! Et, il se mit à respirer bruyamment en plaquant une main contre sa poitrine.

- Ze meurt ! Ze meurt ! haleta-t-il.

Sans se faire prier, il se précipita dans les toilettes des filles et déroula sa langue devant le miroir pour la tortiller dans tous les sens en poussant de longs « aaaah ». De nettes coupures étaient visibles, et le sang suintait, sans vouloir s’arrêter. Cette partie sensible ne cicatrisait pas facilement, mais Evelyn se demandait s’il n’était pas victime d’une malédiction qui empêchait aux plaies de se refermer. Ce serait alors terrible ! Sa langue allait s’assécher et tomber ! Il finirait vidé de son sang !

- ‘u crois que f’est ‘rave ? demanda-t-il à la jeune fille en surgissant brusquement devant elle, la langue à moitié sortie. ‘lansette azait elle ‘es ‘riffes em’oiso’’ées ? – puis, se laissant gagner par la panique il hurla en se laissant tomber à genoux sur le carrelage – ‘e ‘ang ne f’arrête p’us !!! F'est 'a ma'edicfion !!

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